Atlas féminin
26 février 2017 § 4 Commentaires
ou une autre façon de porter le monde … dessin du jour dans un carnet commencé et l’envie de détourner quelques autocollants didactiques distribués en grande surface…
Un jour au mont Atlas
Un jour au mont Atlas les collines jalouses
Dirent : – Vois nos prés verts, vois nos fraîches pelouses
Où vient la jeune fille, errante en liberté,
Chanter, rire, et rêver après qu’elle a chanté ;
Nos pieds que l’océan baise en grondant à peine,
Le sauvage océan ! notre tête sereine,
A qui l’été de flamme et la rosée en pleurs
Font tant épanouir de couronnes de fleurs !
Mais toi, géant ! – d’où vient que sur ta tête chauve
Planent incessamment des aigles à l’œil fauve ?
Qui donc, comme une branche où l’oiseau fait son nid,
Courbe ta large épaule et ton dos de granit ?
Pourquoi dans tes flancs noirs tant d’abîmes pleins d’ombre ?
Quel orage éternel te bat d’un éclair sombre ?
Qui t’a mis tant de neige et de rides au front ?
Et ce front, où jamais printemps ne souriront,
Qui donc le courbe ainsi ? quelle sueur l’inonde ?… –
Atlas leur répondit : – C’est que je porte un monde.
Victor Hugo
huitante
11 août 2013 § Poster un commentaire
Le philosophe allait sur son âne; prophète,
Prunelle devant l’ombre horrible stupéfaite,
Il allait, il pensait.
Il allait, il pensait. Devin des nations,
Il vendait aux païens des malédictions,
Sans savoir si des mains dans les ténèbres blêmes
S’ouvraient pour recevoir ses vagues anathèmes.
Il venait de Phétor; il allait chez Balac,
Fils des Gomorrhéens qui dorment sous le lac,
Mage d’Assur et roi du peuple moabite.
Il avait quitté l’ombre où l’épouvante habite,
Et le hideux abri des chênes chevelus
Que l’ouragan secoue en ses larges reflux.
Morne, il laissait marcher au hasard sa monture,
Son esprit cheminant dans une autre aventure;
Il se demandait: « Tout est-il vide? et le fond
N’est-il que de l’abîme où des spectres s’en vont?
L’ombre prodigieuse est-elle une personne?
Le flot qui murmure, est-ce une voix qui raisonne?
Depuis quatre-vingts ans, je vis dans un réduit,
Regardant la sueur des antres de la nuit,
Écoutant les sanglots de l’air dans les nuées.
Le gouffre est-il vivant? Larves exténuées,
Qu’est-ce que nous cherchons? Je sais l’assyrien,
L’arabe, le persan, l’hébreu; je ne sais rien.
De quel profond néant sommes-nous les ministres?…»
Ainsi, pâle, il songeait sous les branches sinistres,
Les cheveux hérissés par les souffles des bois.
L’âne s’arrêta court et lui dit: « Je le vois. »
Victor Hugo » Dieu invisible au philosophe »
pensée
14 juillet 2013 § Poster un commentaire
50 + 1
le chaos et Dieu c’est pareil ………………………………. inaccessible
Quand le livre où s’endort chaque soir ma pensée,
Quand l’air de la maison, les soucis du foyer,
Quand le bourdonnement de la ville insensée
Où toujours on entend quelque chose crier,
Quand tous ces mille soins de misère ou de fête
Qui remplissent nos jours, cercle aride et borné,
Ont tenu trop longtemps, comme un joug sur ma tête,
Le regard de mon âme à la terre tourné ;
Elle s’échappe enfin, va, marche, et dans la plaine
Prend le même sentier qu’elle prendra demain,
Qui l’égare au hasard et toujours la ramène,
Comme un coursier prudent qui connaît le chemin.
Elle court aux forêts où dans l’ombre indécise
Flottent tant de rayons, de murmures, de voix,
Trouve la rêverie au premier arbre assise,
Et toutes deux s’en vont ensemble dans les bois !
Victor Hugo
présences et papier
14 avril 2012 § 4 Commentaires
fabrication de papier artisanal et apparitions transitoires entre deux feuilles… beauté fugace des transparences… jeu d’encre sur pâte de papier…
Apparition
Je vis un ange blanc qui passait sur ma tête ;
Son vol éblouissant apaisait la tempête,
Et faisait taire au loin la mer pleine de bruit.
– Qu’est-ce que tu viens faire, ange, dans cette nuit ?
Lui dis-je. – Il répondit : – je viens prendre ton âme. –
Et j’eus peur, car je vis que c’était une femme ;
Et je lui dis, tremblant et lui tendant les bras :
– Que me restera-t-il ? car tu t’envoleras. –
Il ne répondit pas ; le ciel que l’ombre assiège
S’éteignait… – Si tu prends mon âme, m’écriai-je,
Où l’emporteras-tu ? montre-moi dans quel lieu.
Il se taisait toujours. – Ô passant du ciel bleu,
Es-tu la mort ? lui dis-je, ou bien es-tu la vie ? –
Et la nuit augmentait sur mon âme ravie,
Et l’ange devint noir, et dit : – Je suis l’amour.
Mais son front sombre était plus charmant que le jour,
Et je voyais, dans l’ombre où brillaient ses prunelles,
Les astres à travers les plumes de ses ailes.
Victor Hugo
hier au soir
3 juillet 2010 § 2 Commentaires
Hier, le vent du soir, dont le souffle caresse,
Nous apportait l’odeur des fleurs qui s’ouvrent tard ;
La nuit tombait ; l’oiseau dormait dans l’ombre épaisse.
Le printemps embaumait, moins que votre jeunesse ;
Les astres rayonnaient, moins que votre regard.
Moi, je parlais tout bas. C’est l’heure solennelle
Où l’âme aime à chanter son hymne le plus doux.
Voyant la nuit si pure et vous voyant si belle,
J’ai dit aux astres d’or : Versez le ciel sur elle !
Et j’ai dit à vos yeux : Versez l’amour sur nous !
« Les Contemplations » Victor Hugo ( Livre deuxième ) L’âme en fleur
à Sylvie