printemps
21 mars 2019 § 2 Commentaires
c’est le printemps
le broyage des poussins vivants doit être interdit
je viens de le lire
qui peut bien broyer des poussins ?
parfois je broie du noir
je ne crois pas qu’à l’intérieur se cache aucun poussin
j’espère
je crois que ce monde parfois essaie de me broyer
je ne suis pas un poussin
c’est le printemps
Catherine Jan dite Kajan
œil en tulipe
2 mars 2016 § Poster un commentaire
Chanson d’une dame dans l’ombre
Quand vient la Silencieuse et coupe la tête des tulipes :
Qui gagne ?
Qui perd ?
Qui s’avance vers la fenêtre ?
Qui nomme en premier son nom ?
Il en est un, qui porte mes cheveux
Il les porte comme on porte les morts à bout de bras.
Il les porte comme le ciel portait mes cheveux dans l’année, celle où j’aimais
Ainsi il les portait par vanité
Celui-là gagne.
Celui-là ne perd pas.
Celui-là ne s’avance pas vers la fenêtre
Celui-là ne nomme pas son nom.
Il en est un, qui a mes yeux.
il les a, depuis que les grandes portes se sont refermées.
il les porte comme anneau aux doigts.
Il les porte comme éclats de plaisir et de saphir :
Il était déjà mon frère à l’automne ;
Il compte déjà et les jours et les nuits.
Celui-là gagne.
Celui-là ne perd pas.
Celui-là ne s’avance pas vers la fenêtre
Celui-là nomme son nom en dernier.
Il en est un, qui a ce que j’ai dit.
Il le porte sous le bras comme un paquet.
Il le porte comme l’horloge porte sa plus mauvaise heure.
Il le porte de seuil en seuil, il ne le jette pas au loin.
Celui-là ne gagne pas.
Celui-là perd.
Celui-là s’avance vers la fenêtre
Celui-là nomme son nom en premier.
Celui-là sera décapité avec les tulipes
Paul Celan
petites apparitions transitoires
26 mai 2015 § 4 Commentaires
séance visionnaire
6 février 2015 § 5 Commentaires
après un mois sans publier à me demander comment on pouvait descendre quelqu’un qui dessine…
CHEVAL DES RÊVES
Superflu, me regardant dans les miroirs
avec un goût de semaines, de biographes, de papiers,
j’arrache de mon sieur le capitaine de l’enfer,
j’établis des clauses indéfiniment tristes.
j’erre d’un point à l’autre, j’absorbe des illusions,
je bavarde avec les oiseaux dans leurs nids:
et eux, souvent, d’une voix fatale et froide
chantent et font fuir les maléfices.
I1 y a un vaste pays dans le ciel
avec les superstitieux tapis de l’arc-en-ciel
et les végétations vespérales :
c’est vers lui que je vais et grande est ma fatigue,
foulant une terre retournée de tombes encore fraîches,
je rêve entre ces plantes aux fruits indécis.
Je Passe entre les enseignements possédés, entre les sources,
vêtu comme un être original et abattu :
j’aime le miel usé du respect,
le doux catéchisme entre les feuilles duquel
dorment des violettes vieillies, évanouies,
et les balais, aux secours émouvants,
dans leur apparence il y a sans doute, cauchemar et certitude.
Je détruis la rose qui siffle et la ravisseuse anxiété:
je brise les extrêmes aimés: et plus encore,
je guette le temps uniforme, sans mesures
une saveur que j’ai dans l’âme me déprime.
Quelle aurore a surgi! Quelle épaisse lumière de lait,
compacte, digitale, me protège !
J’ai entendu hennir son rouge cheval
nu, sans fers et radieux.
Je survole avec lui les églises,
Je galope à travers les casernes désertes de soldats
et une armée impure me poursuit.
Ses yeux d’eucalyptus volent l’ombre,
son corps de cloche galope et frappe.
J’ai besoin d’un éclair de splendeur persistante,
d’une parenté joyeuse qui assume mes héritages.
Pablo Neruda ( trouvé chez Arbrealettres, mon pourvoyeur de mots assortis… )
je te vois
6 septembre 2012 § Poster un commentaire
Non-vision
Heure nulle, citerne
où ma pensée
elle-même se boit.
Un instant immense
j’ai oublié mon nom.
Peu à peu je dénais,
diaphane avènement.
(Octavio Paz)
regard manuel
13 mai 2012 § Poster un commentaire
MAINS
Ce ne sont pas des mains d’altesse,
De beau prélat quelque peu saint,
Pourtant une délicatesse
Y laisse son galbe succinct.
Ce ne sont pas des mains d’artiste,
De poète proprement dit,
Mais quelque chose comme triste
En fait comme un groupe en petit ;
Car les mains ont leur caractère,
C’est tout un monde en mouvement
Où le pouce et l’auriculaire
Donnent les pôles de l’aimant
Les météores de la tête
Comme les tempêtes du cœur,
Tout s’y répète et s’y reflète
Par un don logique et vainqueur.
Ce ne sont pas non plus les palmes
D’un rural ou d’un faubourien ;
Encor leurs grandes lignes calmes
Disent «Travail qui ne doit rien ».
Elles sont maigres, longues, grises,
Phalange large, ongle carré.
Tels en ont aux vitraux d’églises
Les saints sous le rinceau doré,
Ou tels quelques vieux militaires
Déshabitués des combats
Se rappellent leurs longues guerres
Qu’ils narrent entre haut et bas.
Ce soir elles ont, ces mains sèches,
Sous leurs rares poils hérissés,
Des airs spécialement rêches,
Comme en proie à d’âpres pensers.
Le noir souci qui les agace,
Leur quasi-songe aigre les font
Faire une sinistre grimace
A leur façon, mains qu’elles sont.
J’ai peur à les voir sur la table
Préméditer là, sous mes yeux,
Quelque chose de redoutable,
D’inflexible et de furieux.
La main droite est bien à ma droite,
L’autre à ma gauche, je suis seul.
Les linges dans la chambre étroite
Prennent des aspects de linceul,
Dehors le vent hurle sans trêve,
Le soir descend insidieux…
Ah ! si ce sont des mains de rêve,
Tant mieux, – ou tant pis, – ou tant mieux.
(Paul Verlaine, 1888)
présences et papier
14 avril 2012 § 4 Commentaires
fabrication de papier artisanal et apparitions transitoires entre deux feuilles… beauté fugace des transparences… jeu d’encre sur pâte de papier…
Apparition
Je vis un ange blanc qui passait sur ma tête ;
Son vol éblouissant apaisait la tempête,
Et faisait taire au loin la mer pleine de bruit.
– Qu’est-ce que tu viens faire, ange, dans cette nuit ?
Lui dis-je. – Il répondit : – je viens prendre ton âme. –
Et j’eus peur, car je vis que c’était une femme ;
Et je lui dis, tremblant et lui tendant les bras :
– Que me restera-t-il ? car tu t’envoleras. –
Il ne répondit pas ; le ciel que l’ombre assiège
S’éteignait… – Si tu prends mon âme, m’écriai-je,
Où l’emporteras-tu ? montre-moi dans quel lieu.
Il se taisait toujours. – Ô passant du ciel bleu,
Es-tu la mort ? lui dis-je, ou bien es-tu la vie ? –
Et la nuit augmentait sur mon âme ravie,
Et l’ange devint noir, et dit : – Je suis l’amour.
Mais son front sombre était plus charmant que le jour,
Et je voyais, dans l’ombre où brillaient ses prunelles,
Les astres à travers les plumes de ses ailes.
Victor Hugo
au hasard
25 juin 2011 § 1 commentaire
« I received an Aztec wall of vision
& dissolved my room in sweet derision
Closed my eyes, prepared to go
A gentle wind inform’d me so
And bathed my skin in ether glow »
J’ai reçu un mur Aztèque en
une vision
et ma chambre s’est dissoute en
douce dérision
J’ai fermé les yeux, prêt à m’en aller
Un vent léger ainsi m’a informé
en baignant ma peau d’une lueur éthérée
JIM MORRISON
2 jours intenses et 29 dessins
10 avril 2011 § Poster un commentaire
reflets d’Aperti 2011 …
j’ai demandé au visiteur de me faire quelques traits sur la feuille, puis de tirer deux cartes… en route pour le voyage onirique… une phrase ou un fragment de phrase est venue patiner le récit… c’est le principe du dessin rencontre…
les 22 arcanes majeures du Tarot ont été ainsi déclinées…
JEU DE CARTES
Je n’ai que six carreaux
et
sept coeurs.
Aussi une fenêtre d’eau.
Un valet qui ondule
et puis ce cavalier marin
et son épée.
Une reine farouche
aux cheveux sanguinaires
et aux blondes mains d’or.
Maintenant qu’on me dise
je joue quoi j’avance quoi
je mets quoi je retire quoi
ces cartes qui naviguent
ou ces coeurs solitaires
la reine ou l’épée.
Que quelqu’un regarde et me dise,
regarde le jeu du temps,
les heures de la vie,
les cartes du silence,
l’ombre et ses desseins,
et me dise quoi jouer
pour continuer à perdre.
Pablo Neruda