à la radio
31 mai 2019 § Poster un commentaire
un dessin rencontre
réalisé pendant un entretien accordé à Justin Müller
à l’occasion d’aperti XIII
et diffusé dans l’émission de radio Versus sur Espace 2
https://www.rts.ch/play/radio/versus/audio/aperti-le-temps-de-latelier-22?id=10485073
le texte d’où sortent les mots :
Le livre de l’intranquillité de Bernardo Soares ( Fernando Pessoa )
Combien de Césars j’ai été !
La vie se ramène pour nous à ce que nous sommes capables d’en concevoir. Aux yeux du paysan, pour lequel son champ est tout au monde, ce champ est un empire. Aux yeux de César, pour qui son empire est encore peu de chose, cet empire n’est qu’un champ. Le pauvre possède un empire ; le puissant possède un champ. En fait, nous ne possédons jamais que nos impressions ; c’est donc sur elles, et non sur ce qu’elles perçoivent, que nous devons fonder la réalité de notre existence.
(Ceci ne me vient à propos de rien en particulier.)
J’ai beaucoup rêvé. Je suis lassé d’avoir tant rêvé, mais non point de rêver. Rêver, voilà ce dont nul ne se lasse, car c’est oublier, et l’oubli ne nous pèse pas, c’est un sommeil dépourvu de songes, pendant lequel nous demeurons éveillés. En rêve, j’ai tout obtenu. Je me suis réveillé aussi, mais qu’importe ? Combien de Césars n’ai-je pas été ! Et les plus glorieux, quels hommes médiocres ! César, sauvé de la mort par la générosité d’un pirate, fait crucifier ce même pirate dès qu’il a réussi, après bien des recherches, à mettre la main sur lui. Napoléon, rédigeant son testament à Sainte-Hélène, stipule un legs en faveur d’un bandit qui avait tenté d’assassiner Wellington. O grandeurs, si semblables aux grandeurs d’âme de ma voisine borgne ! Ô grands hommes, dignes d’une cuisinière de l’autre monde ! Combien de Césars ai-je déjà été, et rêve encore d’être ?
Combien de Césars, oui, mais jamais pour de bon. Je n’ai été véritablement impérial qu’autant que je rêvais, et c’est pourquoi je n’ai jamais rien été ! Mes armées, certes, ont connu la défaite, mais une défaite moelleuse à souhait, et personne n’y fut occis. Je n’y ai perdu aucun étendard : je n’ai pas rêvé mes armées au point de faire apparaître leurs drapeaux à mon regard, car le rêve se heurte toujours à un tournant… Combien de Césars n’ai-je pas été, ici même, dans ma Rua dos Douradores. Et les Césars que j’ai été vivent toujours dans mon imagination ; mais les Césars qui ont vécu réellement sont morts aujourd’hui, et la Rua dos Douradores, autrement dit la Réalité, ne peut plus rien en connaître.
Je jette ma boîte d’allumettes, vide à présent, dans cet abîme de la rue, au-delà de l’appui de ma fenêtre dépourvue de balcon. Je me redresse sur ma chaise, et j’écoute. Nettement, comme si elle signifiait quelque chose, la boîte d’allumettes vide résonne sur la chaussée qui s’annonce ainsi déserte. Aucun autre son, sauf ceux de la ville entière. Oui, les sons de la ville d’un dimanche tout entier, si nombreux, sans se concerter, mais tous justes.
Que peu de chose, dans le monde réel, suffit pour former la base de nos réflexions les plus profondes : être arrivé en retard pour mon déjeuner, avoir trouvé ma boîte d’allumettes vide, l’avoir jetée dans la rue, à titre individuel, avoir éprouvé de la mauvaise humeur à cause d’un repas pris à une heure indue ; et que ce soit dimanche, aérienne promesse d’un couchant raté, et n’être personne en ce bas monde — et puis la métaphysique tout entière. Mais combien de Césars j’ai été !
2014
3 janvier 2014 § Poster un commentaire
le dessin collectif amorcé le 31 décembre …
pour la troisième fois une étincelle dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier… avec la participation de Wladd Muta , de Natascha Plum et de Jean-Luc Marbot…
Wladd pose l’acte fondateur en maître du cœur noir…
Natascha pose quelques tuteurs à la floraison chaotique…
Jean-Luc nourrit délicatement le rêve…
une histoire à suivre, à continuer ces prochains mois… comme en 2012 et en 2013…
Demain tous ces mots en lesquels je t’aime
seront vivants, toi morte.
Corps, tu étais en vie pour ne plus l’être,
Si belle ! Seuls demeurent ces vers.
Fernando Pessoa
un regard et soudain une fleur…
18 février 2013 § Poster un commentaire
petit croquis de cet après-midi…
La fleur que tu es je veux, non la fleur que tu me donnes.
Pourquoi donc me refuser ce que je n’exige point ?
Tu auras tout le temps de refuser
Après que tu auras donné.
Fleur, sois cette fleur ! Si te cueille avaricieux
La main de l’omineuse sphinge, alors toi, ombre
Pérenne, absurde tu devras errer,
En quête de la fleur que tu as déniée.
Fernando Pessoa
lucide
11 septembre 2012 § 4 Commentaires
Passe un papillon devant moi
Et pour la première fois dans l’Univers je remarque
Que les papillons n’ont pas plus de couleur que de mouvement,
De même que les fleurs n’ont pas plus de parfum que de couleur.
C’est la couleur qui a de la couleur sur les ailes du papillon,
Dans le mouvement du papillon c’est le mouvement qui se meut,
C’est le parfum qui a du parfum dans le parfum de la fleur.
Le papillon, est, sans plus, papillon,
Et la fleur, fleur, sans plus.
(Fernando Pessoa)
dessin rencontre de ce jour
me révélant
…parce que j’aime tellement ça…
quelle couleur a cette rencontre
quel mouvement dessine mon pinceau
mouvement et couleur… spectre du papillon
à Fabrice
traits tirés
7 mai 2012 § 2 Commentaires
SONNET VIII
Combien de masques portons-nous, et de masques
Sous le masque, sur la figure de notre âme, et quand,
Si pour son propre amusement l’âme elle-même se démasque,
Sait-elle qu’est tombé le dernier et qu’enfin son visage
Est nu ? Le vrai masque ne sent rien en deçà du masque,
Mais regarde à travers le masque avec des yeux masqués
Aussi. Quelque conscience qui entreprenne la tâche,
Œuvrer à cette tâche au sommeil l’attache.
Comme un enfant effrayé par le reflet de son visage,
Nos âmes, qui sont des enfants – car elles égarent leurs pensées,
Remettent de la différence sur leurs trop visibles grimaces
Et gagnent tout un monde en oubliant leurs causes.
Et quand une pensée démasquerait notre âme se masquant,
Même elle n’irait pas sans masque démasquer.
FERNANDO PESSOA 35 Sonnets (original en anglais)
How many masks wear we, and undermasks,
Upon our countenance of soul, and when,
If for self-sport the soul itself unmasks,
Knows it the last mask off and the face plain?
The true mask feels no inside to the mask
But looks out of the mask by co-masked eyes.
Whatever consciousness begins the task
The task’s accepted use to sleepness ties.
Like a child frighted by its mirrored faces,
Our souls, that children are, being thought-losing,
Foist otherness upon their seen grimaces
And get a whole world on their forgot causing;
And, when a thought would unmask our soul’s masking,
Itself goes not unmasked to the unmasking.
souvenir réel ou rêve virtuel?
29 février 2012 § 7 Commentaires
L’enfant que je fus pleure sur la route.
Je l’y laissais quand je vins être qui je suis;
Mais aujourd’hui, voyant que ce que je suis n’est rien,
Je veux aller chercher qui je fus là où il est resté.
Ah, comment faire pour le rencontrer? Qui s’est
Trompé en venant, au retour se trompera.
Et je ne sais plus d’où je suis venu ni où
Je me trouve. Ignorance où mon âme est en panne.
Que ne m’est-il donné d’atteindre en ces parages
Une élévation, d’où je puisse enfin voir
De mes yeux mes oublis, pour les remémorer!
Car, dans l’absence au moins, j’aurai de moi nouvelle:
Oui me voyant tel que je fus dans le lointain,
Trouver en moi un peu de quand j’étais ainsi!
Fernando Pessoa (Cancioneiro)
treize
14 avril 2011 § Poster un commentaire
Se déployant
Se déployant devant l’ensemble fictif des cieux constellés,
La splendeur du sens inexistant de la vie…
Jouez dans une kermesse ma propre marche funèbre!
Je veux en finir sans me soucier des conséquences…
Je veux aller à la mort comme à une fête au crépuscule.
Fernando Pessoa
Saudoso
24 février 2011 § 2 Commentaires
Saudoso já deste verão que veio,
Lágrimas para as flores dele emprego
Na lembrança invertida
De quando hei de perdê-las.
Transpostos os portais irreparáveis
De cada ano, me antecipo a sombra
Em que hei de errar, sem flores,
No abismo rumoroso.
E colho a rosa porque a sorte manda.
Marcenda, guardo-a; murche-se comigo
Antes que com a curva
Diurna da ampla terra.
Ricardo Reis
en rond
19 novembre 2010 § Poster un commentaire
choisir son chef sous forme symphonique
27 septembre 2010 § 1 commentaire
quelques dessins saisis pendant les répétitions de l’OSR au Victoria Hall…
l’orchestre vit une phase de transition (cf article du Temps du 23.09.2010)
un chef face à l’orchestre… mi-étreinte… mi-combat
Une musique ou une autre, ah, qu’importe !
Pourvu qu’elle m’ôte de l’âme
Cette incertitude qui réclame
N’importe quel impossible calme !
Fernando Pessoa