improvisations sur papier végétal
15 avril 2012 § Poster un commentaire
[§] Nous ne nous tenons jamais au présent. Nous anticipons l’avenir comme trop lent, et comme pour le hâter ; ou nous rappelons le passé pour l’arrêter comme trop prompt. Si imprudents, que nous errons dans les temps qui ne sont pas à nous, et ne pensons point au seul qui nous appartient : et si vains, que nous songeons à ceux qui ne sont point, et laissons échapper sans réflexion le seul qui subsiste. C’est que le présent d’ordinaire nous blesse. Nous le cachons à notre vue, parce qu’il nous afflige ; et s’il nous est agréable, nous regrettons de le voir échapper. Nous tâchons de le soutenir par l’avenir, et pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre puissance pour un temps où nous n’avons aucune assurance d’arriver.
Que chacun examine sa pensée. Il la trouvera toujours occupée au passé et à l’avenir. Nous ne pensons presque point au présent ; et si nous y pensons, ce n’est que pour en prendre des lumières, pour disposer l’avenir. Le présent n’est jamais notre but. Le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre objet. Ainsi nous ne vivons jamais ; mais nous espérons de vivre ; et nous disposant toujours à être heureux, il est indubitable que nous ne le serons jamais, si nous n’aspirons à une autre béatitude qu’à celle dont on peut jouir en cette vie.
[§] Notre imagination nous grossit si fort le temps présent à force d’y faire des réflexions continuelles, et amoindrit tellement l’éternité manque d’y faire réflexion, que nous faisons de l’éternité un néant, et du néant une éternité. Et tout cela a ses racines si vives en nous, que toute notre raison ne nous en peut défendre.
Pensées de M. Pascal sur la religion et sur quelques autres sujets, qui ont esté trouvées après sa mort parmy ses papiers
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